Erratum… hypothèses et bafouilles

Contrairement à ce que j’ai écrit après avoir essayé de réunir les éléments actuellement à disposition, N.S. n’était pas trésorier mais porte-parole de la campagne d’Edourd Balladur, poste qui, comme chacun sait, est généralement confié à des hommes auxquels on n’accorde pas sa confiance. Remarquez, accorder sa confiance à Nicolas Sarkozy relève d’une certaine candeur, pour ne pas dire naïveté et là ce sont les faits qui le prouvent.

Les faits qui sont rares dans cette affaire. En voici certains qui me viennent à l’esprit :

– un attentant visant expressément les ingénieurs de la DCN et travaillant sur les sous-marins du fameux contrat fait 14 morts

– deux instructions existent, l’une du juge Trevidic portant sur l’attentat en lui-même, l’autre par le juge van Ruymbeke et concernant, là, les possibles infractions politico-financières

– Edouard Balladur ne peut justifier d’un versement de 10 Millions de francs

J’en oublie sûrement mais tout de même, ces trois faits suffisent à exiger que l’instruction suive son cours et bénéficie du concours de tous les pouvoirs publics impliqués.

Et puis il y a les hypothèses (qui sont parfois des « fuites » dont on sait qu’elles sont parfois la vérité, tout simplement, justement parce que la vérité fait bien plus de mal que la calomnie idiote) :

– hypothèse des rétrocommissions… Charles Millon et Valéry Giscard D’Estaing

– hypothèse de l’aval de Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, pour créer la société offshore au Luxembourg, nécessaire tant au versement des commissions (qui garantissent le contrat) qu’à la réception des rétrocommissions qui elles…

– auraient servi à la campagne d’Edouard Balladur ; ce qui aurait conduit Jacques Chirac à diligenter une enquête (tiens, ça c’est un fait) et à fermer le robinet sans autre forme de procès. J’ose croire que la pratique est rare sinon trouver des agents à corrompre pour garantir des contrats pourrait devenir très difficile…

– l’hypothèse que l’attentat aurait été commis en représailles de cette décision ; hypothèse en lien avec les propos faisant état de craintes pour la sécurité des travailleurs au Pakistan si la décision était prise

Et puis enfin il y a les bafouilles que nous tenons grâce à Libération, je me demande ce qu’un expert en interrogatoires pourrait en dire, notamment sur les reconnaissances implicites de culpabilité. Sûrement des absurdités…

Outre le ton et le vocabulaire assez éloigné de ce qu’on pourrait imaginer venant d’un chef d’Etat, il y a des tics qui laissent songeur. Répétition systématique de phrases du type « est-ce que j’étais trésorier, monsieur ? » ou « vous voyez ce que je veux dire ». Cette phrase aussi où il se défend et se rend compte qu’il va un peu loin, d’où ce machin assez peu logique : « je ne dis pas que M. Balladur est en cause, mais moi ? » Rétablie la logique qui fait défaut, l’intéressé appréciera.

Autre formule qui laisse songeur : « je n’en ai aucun souvenir ». Autrement dit il aurait pu oublié ? D’autant que lui-même nous fait part d’une hypothèse plus qu’intéressante pour l’enquête… « peut-être que le ministère l’a fait à un moment, mais moi non jamais, je ne sais pas, je n’en sais rien ».

Tout ce qu’il semble savoir, c’est qu’il est ennuyé, et quand on est en difficulté, la meilleure défense c’est l’attaque. « Mon pauvre vieux », « ce brave monsieur Millon », « un avocat excité », « van Ruymbeke aussi » qui a le droit en plus, à un sous-entendu d’acharnement judiciaire : « c’était le même (que pour Clearstream), tiens, c’est curieux ». Oui curieux, pourquoi diable ce juge est-il encore en place ? N’a-t-on pas encore supprimé l’instruction qui est une intolérable inquisition ?

Sûr qu’un procureur enchaîné aurait mis bien mois de zèle à vouloir faire la lumière… Je ne veux accuser personne. Il y a des choses troublantes et j’exprime simplement mon trouble. On peut croire au complot des journalistes et des familles des victimes qui décident que, pour se venger de leur peine, ce serait quand même sympa de créer un scandale politique. On peut croire aussi à un président blanc comme neige, à tel point qu’à côté de Clearstream où, en effet, il est déclaré par tous innocent, il cite l’affaire Bettencourt, où en effet la probité de tous ses amis a été démontrée.

Mais je ne veux pas croire. Je veux savoir. Or je sais déjà que dans les affaires publiques, la corruption entre puissances étrangères au bénéfice des intérêts politiques des protagonistes dans leur pays n’est pas « incroyable ». Je sais qu’on peut tout à fait imaginer « un ministre du budget [organisant] des commissions et des rétrocommissions ». Je sais donc que le scénario qui ressort des éléments encore trop imprécis et incertains de ce bien sombre dossier est non seulement dans l’ordre du possible, mais également dans l’ordre du crédible.

Pour savoir il faut voir, alors, messieurs du Gouvernement, laissez l’opinion jeter quelque lumière sur tout cela. Point de secret qui, sous couvert du « sens de l’Etat » vanté par notre Président, ne soit une « raison d’Etat » au service de l’intérêt des gouvernants et non de la nation gouvernée. Point de secret qui ne soit réellement à la défense des intérêts vitaux de la nation. Donc, point de secret sur un contrat qui ne vise qu’à vendre des submersibles dont on peut souhaiter qu’ils ne lanceront jamais leurs torpilles. Le secret d’Etat est trop souvent le paravent à la dissimulation du crime… tiens, encore un élément commun avec l’Affaire.

Bonne nuit et bonne chance 😉